Stylistique

Atelier Stylistique (Sandrine Sorlin)

L’exception, l’emploi exceptionnel d’un marqueur, la formule remarquable parce que hors cadre, l’exceptionnalité d’une figure de style, la norme prise en défaut, autrement dit tout ce qui déroge ou échappe à une règle pré-construite, ne peuvent que plaire au stylisticien intéressé à la fois par le cœur et la périphérie de la langue.

Si l’exception se conçoit toujours par rapport à une règle, on peut se poser la question de la « règle de l’exception », à l’instar des dialectes dits non-standard qui ont leurs propres normes, à condition que l’on sorte (est-ce possible ?) d’une classification hiérarchique, laquelle fait du standard l’étalon d’analyse du non-standard. Le terme d’« exception » peut en effet en lui-même relever d’une évaluation idéologique dès lors qu’un standard se perçoit comme exceptionnel et repousse à ce titre tout ce qui ne ressemble pas à sa norme dans les marges de la langue nationale.

L’exception semble incarner ce qu’une linguistique éprise de maîtrise totale ne peut complètement expliquer, c’est-à-dire le « reste » de la langue, l’irrésolu qui ne fait pas sens et dont seule une théorie plus englobante pourra sans doute un jour rendre compte. Mais il y a aussi de l’irrésolu qui fait sens, lorsque l’exception surgit sous forme de petites a-grammaticalités (Deleuze 1989, Lecercle 2008) qui « figurent » un supplément sémantique et pragmatique (Jenny 1990) ou exprime ce qui ne peut se dire autrement. L’infraction à une langue standard peut dès lors cesser de se concevoir comme un écart par rapport à une norme première (la norme est de toute façon toujours multiple) mais comme « reconnaissance des virtualités inscrites dans la langue » (Gardes Tamine 2010). L’exception peut aussi se voir comme un moment de la langue, annonciatrice de « normalisation » et/ou d’adoption dans et par l’usage.

Vouloir faire exception linguistiquement et stylistiquement peut être une démarche volontaire en littérature/fiction comme en politique, dans des essais comme sur les réseaux sociaux, pour s’inscrire en faux contre les classifications imposées, le canon et l’establishment et revendiquer son exceptionnalité ou ex-centricité.

En analyse de discours, établir les critères d’un discours qui fait exception, c’est repérer les marqueurs de rupture avec les normes génériques qui devraient le sous-tendre, c’est comprendre la dialectique de ce qui subsiste et de ce qui émerge, comme force de renouvellement progressif d’un genre.

On pourra dès lors aborder, entre autres, les thèmes suivants :

–      l’exception comme écart, comme à part ou comme constitutive de la langue ?

–      les infractions linguistiques, pragmatiques, stylistiques et leurs effets en contexte

–      les jeux sur les normes linguistiques, génériques, idéologiques

–      les styles exceptionnels, leurs caractéristiques, leurs enjeux

–      les ruptures de style et de sens dans les mouvements littéraires ou artistiques

–      les nouveaux styles de communication

–      les excentricités stylistiques

–      la grammaticalité des petites a-grammaticalités

–      exception et normalisation/standardisation

–      la représentation des dialectes non-standard notamment en fiction

–      exceptions au sein d’un genre spécifique

–      le style de femmes et d’hommes d’exception

Exceptions, the exceptional use of a marker, the out-of-norm remarkable phrase, the exceptionally inventive figure of speech, i.e. all that escapes pre-conceived rules, are bound to appeal to the stylistician concerned with the norms and margins of a language.

If the exception must be thought in relation to a rule, one can ask if exceptions can have their own rules, following the example of the rules of the so-called non-standard dialects, which are themselves often predicated on those of the standard – making one wonder whether one can get out of the hierarchical classification that makes the standard the yardstick by which non-standard varieties are assessed. The term « exception » can indeed take on ideological connotations as soon as the national standard conceives itself as thenorm to follow and thus “inevitably” marginalises everything that does not conform to it.

Being relegated to the status of an exception is not to fit in any linguistic theory (yet). Embodying the “remainder” of language, what remains “unresolved”, exceptions still await a more encompassing theory that could account for them. But this “remainder” can be meaningful especially when it takes the form of small “a-grammaticalities” (Deleuze 1989, Lecercle 2008) “figuring” a semantic and pragmatic supplement (Jenny 1990) or expressing what could not be said otherwise. The breaching of Standard English could thus cease to be construed as a deviation from a preconstructed norm (there is no such thing as a unique norm anyway) but could be perceived as « an acknowledgement of the potentialities inherent in language » (Gardes Tamine 2010). The exception can also be perceived as a phase on its way to standardisation, as what is exceptional now may become tomorrow’s norm.

To take exception or to be the odd one out can be purposeful in literature/fiction as well as in politics, in essays or on social networks: it can aim at denying imposed standards or established cannons.

In discourse analysis, a speech deviating from the generic norms that are supposed to support it is worth studying as it enables to spot out the markers of rupture with the generic norms and grasp what remains and what emerges, thus heralding a possible renewal of a genre.

The (non-exhaustive) following topics could be addressed:

–      exceptions as deviations, as marginalised items or as inherent to language ?

–      linguistic, pragmatic, stylistic infringements/ violations and their effects in context

–      the play on linguistic, generic and ideological norms/rules

–      exceptional styles, their features and challenges

–      breach of styles and meaning in literary or artistic movements

–      the new styles of communication

–      stylistic eccentricities

–      the grammaticality of a-grammaticality

–      exceptions and standardization

–      the representation of non-standard dialects in fiction

–      exceptions to a specific genre

the style of exceptional women and men