22. Anglais de spécialité (GERAS)

22. Anglais
de spécialité (GERAS)

Responsables : Geneviève Bordet (Université Paris Diderot)
et Michel Van der Yeught (Aix-Marseille Université)

Ateliers
I

Jeudi 6 juin 2019, 13h30-16h30

13h30 Séverine
Wozniak

Université Grenoble Alpes, ILCEA4 (EA
7356)

De l’exception dans la méthode :
L’approche ethnographique en anglais de spécialité

Ancrée dans le cadre de
la réflexion sur la caractérisation des domaines spécialisés professionnels en
anglais de spécialité (ASP), cette proposition de communication porte sur
l’intérêt de l’ethnographie pour la discipline. Srikant Sarangi (2002) s’interroge
sur le rôle du chercheur lorsqu’il interagit avec les membres d’une communauté
spécialisée professionnelle donnée afin d’en caractériser les discours, prenant
pour exemple le domaine spécialisé des professionnels de la santé. Dans son
approche, il commence par souligner à quel point il est essentiel d’analyser la
nature de la pratique professionnelle des médecins : « Doctors are mainly action-oriented, as they
apply scientific knowledge rather than contribute to the growth of knowledge
 »
(Sarangi 2002 : 98). Comme il le souligne lui-même, cette approche revêt
un caractère novateur : « Many
discourse researchers are primarily interested in how language mediates
professional activities, and not all of them may engage explicitly in what
constitutes professional knowledge and practice beyond language performance.
Exceptions here are the ethnomethodological and ethnographic studies into
professional work […] which go deeper than the linguistic and interactional
surface in their attempt to understand professional practice and knowledge
representations from the insiders’ perspective
 » (Sarangi 2002 :
99). Afin de traiter de l’approche ethnographique comme exception
méthodologique pour la caractérisation des communautés spécialisées, nous
reviendrons rapidement, dans un premier temps, sur la place du terrain en
linguistique appliquée, avant de dresser, dans un second temps, un état de
l’art des études ethnographiques menées dans les champs de l’ASP et de
l’English for Specific Purposes (ESP). Enfin, nous proposerons un modèle de
caractérisation des communautés spécialisées professionnelles par le truchement
de la mise en pratique de la description ethnographique afin de saisir la
réalité des pratiques professionnelles et de la vie de la communauté, au-delà
des discours reconstruits ex post.

14h Fanny Domenec

Paris 2 Panthéon Assas, CeLiSo (EA 7332)

L’éthique d’entreprise : un domaine
spécialisé professionnel en construction ou une exception au sein du monde de
l’entreprise ?

Cette communication
vise à contribuer à la caractérisation du spécialisé professionnel (Charret-Del
Bove et al. 2017) dans le cadre de la théorie de l’intentionnalité (Searle
1979, 1990) appliquée aux domaines et langues de spécialité (Van der Yeught
2016). Il s’agit de s’interroger sur l’émergence d’un domaine spécialisé
professionnel de l’éthique d’entreprise et sur son caractère exceptionnel ou
représentatif d’un changement de paradigme au sein du monde de l’entreprise.
Une approche diachronique est mise en place afin de comprendre l’émergence
d’une communauté d’acteurs réunis autour d’une intentionnalité commune, en
réponse à différents scandales ayant affecté l’image du monde de l’entreprise à
la fin du XXe et au début du XXIe siècles. Cette perspective
diachronique s’articule autour de trois axes d’analyse : l’émergence de
nouvelles professions consacrées à l’éthique (Chief Ethics Officer ou Chief
Compliance Officer) et la façon dont elles se sont structurées depuis leur
création, à travers l’étude d’un corpus de magazines professionnels ;
l’analyse de glossaires consacrés au domaine de l’éthique des affaires ; les
normes et les logiques d’action des entreprises ayant obtenu la certification « B-Corps »
(Honeyman 2014), décrites comme souhaitant « (ré)affirmer leur Mission
Sociétale au cœur de leur raison d’être ». La combinaison de ces trois
axes d’analyse vise à identifier la stabilisation d’une terminologie (Resche
2013) et d’une culture professionnelle (Isani 2004) commune aux différents
acteurs et institutions étudiés. Dans la mesure où « chaque milieu
professionnel possède une finalité qui le distingue des autres milieux en
structurant ses discours et ses logiques d’action » (Charret-Del Bove et
al. 2017), il s’agit également de distinguer une forme de « communication
éthique » d’une « communication sur l’éthique »,
quasi-systématiquement mise en place par des institutions qui ne partagent
pourtant pas l’intentionnalité commune aux acteurs du domaine des entreprises
éthiques.

14h30 Cédric Sarré

ESPE Paris, CeLiSo (EA 7332)

La formation des enseignants de langues
de spécialité : des besoins sans offre adéquate… une exception française ?

Les incitations
européennes à la mobilité académique et professionnelle et l’expansion des
marchés ont engendré un besoin de citoyens et de travailleurs européens
possédant des compétences en langues de plus en plus spécialisées.
Concomitamment à la multiplication des cours de langues de spécialité (LSP),
tant dans l’enseignement supérieur que dans la formation des adultes, le besoin
croissant d’enseignants de LSP aurait logiquement dû entraîner une offre accrue
de formation initiale et continue au profit de ce type d’enseignants. Cela n’a
cependant pas été le cas (Howard 1997, Master 1997, Basturkmen 2014, Braud et
al. 2015, Brudermann et al. 2016), ce qui semble pointer le fait qu’une
formation à l’enseignement des langues dites « générales » serait
suffisante pour doter les enseignants de LSP des compétences nécessaires à
l’enseignement des LSP. Ceci est cependant en parfaite contradiction avec les
conclusions issues de la recherche, dans la mesure où les chercheurs du domaine
notent le caractère plus « exigeant de l’enseignement des LSP »
(Basturkmen 2014 : 20), précisent qu’une formation à l’enseignement des
langues dites « générales » constitue un préalable nécessaire, sinon
suffisant, pour enseigner les LSP (Howard & Brown 1997 : 9) et
remarquent que les approches pédagogiques sont souvent très différentes
(Dudley-Evans 1997). En dehors de la France, les recherches les plus récentes
sur les LSP s’intéressent très peu aux compétences et à la formation des
enseignants de LSP. L’existence de besoins de formation spécifiques sans offre
adéquate pour y répondre serait-elle une préoccupation purement nationale,
sorte d’exception française ? De manière à répondre à cette question,
notre communication s’appuiera sur l’enquête par questionnaire conçue dans le
cadre du projet européen CATAPULT et visant à établir un état des lieux de la
formation des enseignants de LSP européens intervenant dans la formation des
adultes et dans l’enseignement supérieur.

15h Marie-Agnès
Détourbe

INSA
Toulouse, LACES (EA 7437)

« Territoires »
et « tribus » en anglais de spécialité : méta-analyse des usages
scientifiques courants et des exceptions à travers un corpus de thèses

Le terme d’exception, qui trouve ses origines
dans le domaine du droit, désigne ce qui est en dehors d’un ensemble, de la
règle commune ou encore de l’usage courant (Rey 2016). Ce terme propose un
prisme d’analyse fécond des usages scientifiques des chercheurs en anglais de
spécialité dans le contexte français, tant au niveau des objets de recherche
qu’à celui des approches méthodologiques et des cadres théoriques. L’objet de
cette communication est de s’interroger sur la façon dont l’« usage
courant » se définit dans ce domaine de recherche : quels travaux se
situent dans l’usage commun et quels autres font exception ? Comment se
définit le « territoire » de connaissances par rapport auquel une
communauté scientifique comme celle du GERAS se positionne ? Quelles sont
les traces du positionnement des chercheurs en ASP par rapport à ce corps partagé
de connaissances dans leur discours ? Le cadre théorique pour cette
communication s’appuie sur les réflexions de Becher et Trowler (2001), et Abbot
(2001) concernant les dynamiques d’évolution des disciplines : il articule
les concepts de « tribus » et de « territoires » disciplinaires
avec celui de scission « fractale » qui préside à la recomposition
permanente des contours internes et externes d’une discipline. Il repose
conjointement sur les travaux de chercheurs français en ASP qui se sont
efforcés de préciser le positionnement épistémologique du domaine (inter alia Isani 2014, Saber 2013, Van der
Yeught 2018). Notre travail d’analyse qualitative porte principalement sur un
corpus de thèses identifiées comme appartenant à l’anglais de spécialité :
à partir d’une étude des « lignages » intellectuels et disciplinaires
tels qu’ils apparaissent dans les diverses références mobilisées dans le ou les
chapitres introductifs de ces thèses, il s’agira de proposer une cartographie
des « usages scientifiques communs » en anglais de spécialité et de
ceux qui « font exception » à ces usages tant au niveau des cadres
théoriques que des approches méthodologiques convoqués.

15h30 DISCUSSION

Ateliers
II

Vendredi 7 juin 2019, 9h-10h30

9h Catherine
Resche

Université Paris 2 Panthéon-Assas, CeLiSo
(EA 7332)

Quand l’exception déstabilise :
réflexions sur le rôle des oxymores, mots valises, termes métaphoriques et
autres néologismes en anglais de la finance.

Cette étude a pour
point de départ l’idée que les néologismes (Sablayrolles 2002), les oxymores,
les mots valises (Bonhomme 2009) ou les expressions métaphoriques requièrent
une attention redoublée dans les domaines spécialisés. En nous appuyant sur des
exemples tirés du domaine de la banque et de la finance, nous souhaitons
souligner l’intérêt de ces éléments pour le linguiste : plutôt que
divertir, ne servent-ils pas à déranger l’ordre établi, faire réfléchir et
réagir, apporter la contradiction, signaler une évolution, ouvrir de nouvelles
perspectives ? Face au déficit de crédibilité dont souffre le domaine de
la banque et de la finance depuis les scandales et crises qui ont fait resurgir
le terme bankster, un certain nombre
d’acteurs sur le terrain (banktivists)
ont décidé d’agir pour faire redécouvrir la fonction instrumentale de la
finance (support de l’économie) et pour montrer la voie vers une finance bien
ordonnée. Le simple fait que la question se pose de savoir si les termes finethics ou ethical banking sont des oxymores met en relief l’ampleur du
malaise : pris d’une fièvre spéculative, le monde des banques et de la
finance s’est coupé de l’économie réelle et semble avoir perdu de vue sa
mission première : servir le bien commun (Smith 2005). Nous tenterons de
mesurer la portée de récents termes tels que sustainable finance, virtuous
banking
, socially responsible
investment
(SRI), social return on
investment
(SROI), impact investing,
social impact bonds (SIBs) :
sont-ils porteurs de nouvelles valeurs, le signe d’une prise de conscience,
d’un renouveau en cours, ou sont-ils simplement repris et détournés par
certains pour donner l’illusion d’un changement et cacher une réalité moins
souriante ? Quoi qu’il en soit, le linguiste ne saurait négliger ces
unités singulières, ni faire l’économie d’une veille néologique pour prendre le
pouls de l’évolution des idées.

9h30 Joëlle
Popineau

Université de Tours, LLL (UMR 7270)

Le journalese sur internet : Quand
l’exception devient règle d’écriture

Cette communication se
propose d’étudier le Journalese « also named ‘newspaperese, newspeak and
mediaspeak’ » (Dickson et Skole 2012) sur internet, la langue utilisée sur
les sites des journaux anglo-saxons et de langue anglaise, et d’analyser à la
fois la forme spécifique de cette écriture (ponctuation, morphologie, syntaxe
et temps) et le message relayé par les nouvelles normes d’écriture
journalistique (lexique, sémantique et pragmatique) (Hempel Degand 2008).
Attesté pour la première fois dans les années 1880-1885, le journalese se
définit comme « a style of writing
and diction characteristic of many newspapers, magazines, etc. facile or
sensational style, with many clichés
 » (www.collinsdictionary.com).
D’autres définitions ajoutent que cette langue est caractérisée par une « unusual or faulty syntax »
(https://www.dictionary.com). Ces définitions –péjoratives –
s’appliquent-t-elle encore au journalese actuel ? Sa syntaxe qualifiée
d’incorrecte par les puristes semble avoir évolué en une nouvelle langue
normalisée pour de nombreux médias internationaux écrits, y compris des médias
installés et réputés. À ses débuts, ce style d’écriture – exceptionnel,
incorrect ou marginal – a certes eu recours à des raccourcis, voire à des
exceptions linguistiques pour différentes raisons (par exemple, des contraintes
techniques) ; le journalese du XXIe siècle, en revanche,
s’érige en norme en matière de communication journalistique électronique, au
point de devenir un style d’écriture reconnu et enseigné (dans les écoles de
journalisme ou les formations en traduction) et répandu sur les sites des
grands journaux internationaux (BBC, CNN, The
New York Times
, Huffington Post, The Telegraph, The Guardian et The Times).
Un panorama des règles d’écriture du journalese électronique sera proposé par
le biais de nombreux exemples ; une grammaire du journalese se dessine,
norme en devenir d’un nouveau style d’écriture électronique.

10h Margaux
Coutherut

Université Paris 8, TransCrit

Une exception parmi les textes
procéduraux rédigés en anglais : la notice de médicament

La notice de médicament
(Patient information leaflet en
anglais) est définie ainsi sur le site https://www.medicines.org.uk :
« The Patient Information Leaflet
(PIL) is the leaflet included in the pack with a medicine. It is written for
patients and gives information about taking or using a medicine
 ».
Elle explique comment prendre un médicament ; par conséquent, elle fait
partie des textes procéduraux, définis par Adam (2001 : 19) comme des
textes qui « ont en commun de dire de faire et de dire comment faire en
prédisant un résultat et en incitant à l’action ». Garcia-Debanc (2001 :
3) considère la notice de médicament comme un texte procédural mais ce n’est
pas le cas pour des auteurs comme Mortara Garavelli (1988) et Lüger (1995). En
effet, lorsqu’on observe ces notices, on remarque que leur structure est plus
complexe (six parties contre deux pour les autres textes procéduraux) et
qu’elles semblent être essentiellement descriptives, donc peu procédurales. De
plus, comme elles concernent la santé des patients, elles sont très
réglementées et doivent répondre à des normes juridiques, générant parfois des
tensions avec leur bonne compréhension par le malade. Comment ces tensions
s’expriment-elle au niveau structurel et linguistique ? En quoi la notice
de médicament est-elle une exception au milieu des textes procéduraux ?
Pour répondre à ces questions, nous étudions un corpus de notices de médicament
tirées du site internet <https://www.medicines.org.uk> sur lequel sont
numérisées les notices de nombreux médicaments vendus au Royaume-Uni. Nous nous
concentrons sur les niveaux structurel et linguistique de ces notices et
comparons les données trouvées avec l’étude d’autres textes procéduraux rédigés
en anglais (recettes de cuisine, règles du jeu, protocoles de travaux pratiques
en sciences, manuels d’utilisation et instructions de sécurité) réalisée dans
le cadre de notre thèse (Coutherut 2016).

Ateliers
III

Samedi 8 juin 2019, 9h-10h30

9h Geneviève
Bordet

Université
Paris Diderot, CLILLAC-ARP

Quand
l’exception déplace la règle: du rôle heuristique de l’« intrus » en
terminologie

Si  les
notions de « domaine de spécialité » (Rogers 2013 ; Van der
Yeught 2012) et de « communauté de discours » (Dressen
Hammouda 2003 ; Swales 2016  ) constituent des repères
essentiels pour la définition des langues de spécialité, la délimitation de ces
concepts n’en reste pas moins floue et controversée. Les évolutions récentes de
la terminologie comme discipline (Humbley 2012) renforcent cette difficulté
dans la mesure où cette approche tend à remettre en cause le consensus d’une
communauté d’experts homogène pour adopter une perspective descriptive qui  prend en compte la variation et les usages
hors norme. Cette nouvelle perspective a 
permis d’en faire un outil méthodologique essentiel pour la traduction
spécialisée et la diversité de ses champs d’application. C’est dans ce cadre
que nous proposons d’analyser ici des situations didactiques où l’apprenti
traducteur doit représenter les connaissances qu’il a acquises sur le
domaine  étudié sous forme d’un schéma
heuristique (ou arborescence) et se trouve confronté à un ou plusieurs termes
qui paraissent aussi « inclassables » qu’incontournables. Nous
appuyant sur l’exemple de l’agroécologie, nous montrons que ces termes agissent
dans certains domaines comme des révélateurs des lignes de faille
épistémologiques qui structurent et divisent les domaines émergents ou soumis à
des changements conflictuels. Cette analyse débouche sur une double perspective
d’application. Il s’agit d’une part de mieux comprendre le concept de domaine
de spécialité en utilisant la terminologie comme marqueur des valeurs
épistémologiques qui réunissent et opposent les membres d’une communauté de
discours polyphonique. D’autre part, cette approche met en lumière le rôle
fondamental de la terminologie pour la formation de traducteurs aptes à
s’adapter à la diversité des voix qui s’expriment dans des champs de
connaissance en évolution constante.

9h30 Michel
Van der Yeught

Aix-Marseille
Université, LERMA (EA 853)

Les
encyclopédies spécialisées, exceptions parmi les encyclopédies

La notion
d’« encyclopédie spécialisée » (ES) résulte d’une adaptation en
anglais de spécialité des travaux d’Umberto Eco et de Jean-Jacques Lecercle sur
l’encyclopédie. En ce sens, les ES constituent une exception par rapport aux
encyclopédies traditionnelles, telles l’Encyclopaedia
Britannica
, car elles comportent potentiellement, pour chaque domaine
spécialisé, l’ensemble infini des capacités interprétatives nécessaires à la
compréhension des discours spécialisés. La communication présente les
fondements théoriques des ES et illustre leur existence et leur mode de fonctionnement
dans plusieurs variétés spécialisées de l’anglais, notamment en anglais
financier.

10h DISCUSSION